Petit précis des voyants célèbres : Mademoiselle Lenormand, voyante du tout-Paris au 18e siècle

Pratique ancestrale s'il en est, la voyance possède tout naturellement son lot de médiums célèbres. Parmi eux, Mademoiselle Lenormand, conseillère du tout-Paris et confidente de l'Impératrice Joséphine...

C'est dans une charmante petite rue parisienne de la Rive Gauche que Marie-Anne Lenormand, célèbre extralucide, a décidé de s'installer à la fin du dix-huitième siècle. L'écrivain Jacques Yonnet, qui relate son histoire, explique qu'elle aurait choisi sa demeure du 5, rue de Tournon grâce à un pendule qui lui aurait révélé l'emplacement d'un passage secret reliant la cave de l'immeuble à un réseau de galeries souterraines. L'idée ? Pouvoir s'échapper à des révolutionnaires ou à la police en cas de besoin...

XXI — Le Monde

Née en 1772, Marie-Anne Lenormand entre à l'abbaye royale des Dames Bénédictines d'Alençon alors qu'elle est encore enfant. Malgré son jeune âge, elle ne manque pas de se faire remarquer : à sept ans, elle professe déjà des prédictions. Marie-Anne grandit et décide de s'installer à Paris à la fin des années 1780. Elle s'établit d'abord en tant que vendeuse, puis « lectrice » lorsqu'elle se place sous la protection de l'aristocrate Amerval de la Saussotte, tout en continuant de délivrer des prédictions. Retournement de situation en 1793 : en pleine Terreur, son protecteur se fait arrêter puis guillotiner. La jeune femme parvient à s'enfuir et s'installe non loin du Palais-Royal, où elle fait la connaissance de dame Gilbert, une tarologue avec qui elle s'associe. Quelques mois plus tard, elle reprend sa liberté, s'installe à son compte et pose ses valises au 9 de la rue de Tournon, puis au numéro 5, où elle habitera pendant près de cinquante ans. Son salon attire rapidement les figures de la Révolution ainsi que leurs proches. Robespierre, Saint-Just, Marat, Tallien, le peintre David, mais aussi des banquiers, duchesses ou actrices... Le tout-Paris se presse sur le pas de sa porte, y compris Joséphine de la Pagerie, comtesse de Beauharnais, qui ne peut bientôt plus se passer de ses prédictions.

Livre

Mademoiselle Lenormand a rapporté avoir prédit à Marat, Robespierre et Saint-Just une mort violente, ce qui lui aurait valu un séjour en prison. Il est en tous cas établi qu'elle a conseillé Fouché, Barras, Madame de Staël et Talleyrand, ainsi que Joséphine et Napoléon Bonaparte à plusieurs reprises. La Duchesse d'Abrantès le confirme dans ses mémoires :

On connaît le goût ou plutôt la passion insensée de Joséphine pour les tireuses de cartes. Napoléon s'en est d'abord amusé, puis moqué et enfin il avait compris que rien n'était plus en opposition avec la majesté que ces petitesses d'esprit et de jugement des êtres si bas et si vils que vous rougissez de les admettre dans votre salon, même pour n'y faire que leur métier. Mais Joséphine, tout en promettant de ne plus faire venir Mademoiselle Lenormand, l'admettait toujours chez elle, dans son intimité, et la comblait de présents.
XXI — Le Monde

Sous les Cent-Jours et la Restauration, le salon de la médium ne désemplit pas. Le retour des émigrés développe encore davantage sa clientèle, tandis que la vieille noblesse royaliste accourt rue de Tournon, remplaçant celle de l'Empire. Bruxelles, Vienne, Genève, Saint-Pétersbourg... Mlle Lenormand part exercer son art dans les grandes villes européennes, agrandissant son cercle de disciples au fur et à mesure de ses voyages. Et si elle avait prédit qu'elle mourrait en l'an 1896, à l'âge de 124 ans, Mademoiselle Lenormand s'éteint en 1843, à 71 ans. « L'Oracle sibyllin », « Les Souvenirs prophétiques d'une Sibylle », « L'Ange Protecteur de la France au tombeau de Louis XVIII » sont autant d'ouvrages que l'on doit à cette voyante historique. Quant à sa demeure de la rue de Tournon, elle a abrité d'autres locataires célèbres, parmi lesquels le poète Charles Cros, qui y mourut en 1888.

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